Les réglages sont créatifs et non pas techniques | Comment régler son appareil photo ?
Aujourd’hui, je vais vous expliquer que les paramètres de votre boîtier sont avant tout créatifs et non pas techniques. On va voir ensemble comment régler son appareil photo ou sa caméra, et quels sont les choix à faire pour respecter la direction artistique de votre image.
On va voir pourquoi Alien 4 a été tourné au grand angle, pourquoi la Haine est une masterclass en matière de choix de focale, et comment le Joker insuffle ses émotions grâce à sa profondeur de champ.
Donc si tu veux être un directeur artistique plutôt qu’un simple photographe, ce qui va suivre devrait t’intéresser.
Bon, quand on débute, on peut être un peu perdu avec tous les réglages.
C’est vrai qu’il y a quand même pas mal de paramètres à prendre en compte. Il y a :
- la focale,
- l’ouverture,
- la vitesse d’obturation,
- les ISO.
En plus, ils ont tous une incidence sur la lumière, la profondeur de champ, ou sur des trucs complètement différents.
Bref, ça fait beaucoup et on sait jamais trop par quoi commencer.
Est-ce qu’on doit d’abord commencer par régler sa vitesse d’obsuration, ou alors par l’ouverture ?
Est-ce qu’on commence par paramétrer des ISO ?
Souvent, quand on commence la photo, on a tellement de paramètres à prendre en compte qu’on sait pas trop comment faire et par où commencer.
En plus de ça, les interwebs sont bourrés de vidéos ou d’articles qui racontent des conneries sur tous les paramètres, avec des paramètres parfaits pour votre caméra ou pour votre appareil photo.
Tout un ramassis de conneries qui sert vraiment pas à grand-chose.
Donc je me suis dit que je vais vous faire une vidéo pour vous expliquer comment paramétrer votre boîtier en fonction de l’image que vous voulez faire.
On va voir que tous les paramètres ne sont pas forcément des paramètres techniques.
Même si effectivement, ils vont avoir une incidence sur les conditions de prise de vue, on va voir que la grande majorité des paramètres vont conditionner la direction artistique de votre image et ce sont donc eux qui va falloir prioriser.
Ce que je vais faire ici, c’est passer en revue tous les paramètres possibles, essayer de les prioriser en fonction de leur impact sur la direction artistique de votre image et d’essayer de voir lesquels sont les plus importants, lesquels sont secondaires et lesquels sont purement techniques pour savoir dans quel ordre il faut les aborder.
Donc ne t’en fais pas, si t’es paumé, tout ce que t’as à faire c’est regarder cette vidéo, respecter la liste que je vais te donner et tout se passera bien.
Définir une Direction Artistique pour son image
Premier point, il n’y a pas de réglage ultime qui va fonctionner pour toutes les situations.
La première chose à définir, ça va être la direction artistique de votre photo. Il va falloir savoir quelle émotion on veut faire passer pour ensuite se poser la question de comment est-ce qu’on va régler notre caméra ou notre appareil photo.
Donc la première question à vous poser c’est, qu’est-ce que vous voulez faire ressentir auprès du spectateur? Est-ce que vous voulez une scène onirique ou bien est-ce que vous voulez une scène explicative?
C’est à vous de voir. En fonction des choix de vos paramètres, le ressenti du spectateur sera différent.
Par exemple, sur les deux stills que je vous montre qui sont des screenshots issus du film La Haine, on remarque bien que l’émotion dégagée n’est pas du tout la même.
D’un côté, j’ai une scène ultra explicative où je comprends absolument tout, de l’autre, j’ai une scène un peu plus introspective où je suis vraiment focalisé sur mon personnage.
Et ce, alors que le sujet est exactement le même.
Tout ce qui change ici, ce sont les réglages.
Là où je vais en venir, c’est que la première chose à prendre en compte avant même de penser réglages, c’est qu’est-ce que vous voulez faire dire à votre image ?
Une fois que vous avez répondu à cette question, on va pouvoir attaquer par le premier paramètre qui pour moi est le plus important, c’est celui de la focale.
Choisir sa focale
La focale, c’est vraiment la toute première question à se poser.
Contrairement aux autres réglages, celui-là ne se trouve pas au niveau du boîtier, mais au niveau de l’objectif.
Quand vous achetez un objectif, il y a forcément une focale, ou bien une plage de focale attitrée. C’est pour ça que le choix de l’objectif, il est super important et même à mon sens, il est encore plus important que le choix du boîtier.
Parce que c’est la focale qui avant tout va définir le ton de votre image.
D’ailleurs, petit aparté, si jamais vous êtes nouveau dans le milieu et que vous devez choisir une marque, ne faites pas le choix par rapport au boîtier qui sont à disposition, mais plutôt par rapport au parc optique.
Parce que je me répète, mais ce qui est le plus important au sein de votre matos, ce sont les objectifs et non pas les boîtiers.
Explication de la focale ?
La focale se mesure en millimètre (mm).
En général, c’est toujours écrit sur les objectifs.
Là par exemple, j’ai un 105 mm :
Ici, j’ai un 28-400 mm. C’est-à-dire que sur cet objectif-là, on va avoir une plage focale comprise entre 28 et 400. Je vais pouvoir bouger de focale, et aller de 28mm jusqu’à 400mm :
Alors que le 105mm est ce qu’on appelle une focale fixe, puisque j’ai uniquement accès à du 50 mm.
Valeur en millimètre d’une focale
C’est pas naturel comme manière de penser.
À quoi peuvent bien correspondre 50 mm, 70mm ou 200 mm ?
Pour faire simple, l’œil humain voit à peu près à 50 mm. C’est-à-dire que si vous avez une focale de 50 mm, vous n’aurez pas d’effet de zoom ou de dézoom. C’est à peu près ce que voit le humain, donc il n’y a pas trop de prise de risque.
En dessous, de 35 à 50 mm, on est sur une focale dite normale. C’est une focale sans trop prise de risque, ça ressemble grosso modo à ce que voit la humain.
En dessous de 35 mm, on est sur ce qu’on appelle de la courte focale, c’est-à-dire qu’on va venir élargir notre champ de vision, on va venir gratter de l’espace par rapport à ce que voit le humain.
Et à contrario, au-delà de 50 mm, on parle là de longue focale. Pour vous faire comprendre, la longue focale, c’est un peu comme si on zoomait dans notre image.
Pourquoi cette focale, elle est définie en millimètres ? On aurait pu parler en degrés, ça aurait été plus simple à comprendre.
Pour vous expliquer ça, je vous fais une petite aparté de physique.
La distance focale correspond à la distance entre le foyer et le centre optique de votre objectif. C’est d’ailleurs pour ça que les optiques à longue focale sont plus grandes que les objectifs à grand angle. C’est tout simplement physique, c’est parce que cette distance est plus importante.
Bon, si vous y comprenez rien, c’est pas grave, c’est pas super utile de savoir ça. Si je vous le dis, c’est surtout pour la culture générale.
La focale utilisée pour zoomer ou dézoomer
La première utilisation de la focale, évidemment, c’est de zoomer ou de dézoomer dans une image. La plupart des gens vont vous dire que on utilise de la grande focale pour avoir du grand angle et pour voir un peu toute une scène, parce qu’on n’a pas assez de recul.
Et à contrario, si on veut shooter quelque chose de loin, on va prendre de la longue focale, parce que ça nous permet de zoomer sur quelque chose qui est loin.
C’est vrai, mais c’est aussi une manière très réductrice d’utiliser en fait la focale. Oui, la focale permet de zoomer et de dézoomer. Mais en vrai, on s’en fout un peu.
Le plus important avec la focale, c’est qu’elle va venir déformer vos perspectives.
La déformation des visages induites par la focale
Alors avant de parler du décor, on va parler des modèles. Donc vous pouvez voir sur cet exemple que j’ai pris en photo la même modèle à différentes valeurs de focale :
Comment j’ai fait pour faire ça ? Tout simplement, en faisant en sorte que le visage de la modèle prenne tout le temps la même place dans ma photo. Et c’est moi qui me suis avancé ou reculé pour faire en sorte que la taille du visage soit toujours la même.
Vous pouvez voir :
- qu’à 50 mm, on a un visage qui est normal,
- en dessous de 50 mm, le visage est carrément aplati,
- et à contrario, au-delà de 50 mm, le visage va venir se massifier.
Ce qu’il faut retenir, c’est que quand vous shootez en dessous de 50 mm, vous allez avoir des visages un peu plus enfantins. Vous allez pouvoir faire perdre un petit peu de maturité et un petit peu d’âge à vos sujets.
À contrario, si vous shootez au-delà de 50 mm, vous allez venir massifier votre sujet. Vous allez venir donner un peu plus de maturité à votre sujet. Ce qui aura pour effet de les vieillir légèrement.
Si je prends cet exemple, on peut voir que à 35 mm, elle a l’air d’un enfant, alors qu’à 105 mm, elle a l’air d’une femme.
Et ça, ça change tout. Ça change tout parce que ça va être très important pour vous de vous poser la question de savoir à quelle focale vous allez shooter votre sujet. Parce qu’en fonction de la focale, vous n’allez pas faire ressentir les mêmes choses.
Personnellement, quand j’ai du portrait à faire, la première chose que je fais, c’est tester le visage de mon modèle à plusieurs focales.
En général, je sors le 50mm et le 105mm, je teste avec les deux et je vois ce que ça dit.
Il y a des modèles qui réagissent très bien au 50mm, mais très mal au 100 et vis versa.
La déformation des perspectives induite par la focale
L’autre point qui va être modifié par le choix de votre focal, ça va être la déformation des perspectives. Sur cet exemple, j’ai fait exactement le même effet, donc c’est-à-dire que j’ai pris un sujet que j’ai contextualisé dans un décor, et j’ai fait en sorte que mon sujet est tout le temps la même place dans la photo.
Et bon, vous pouvez voir que en dessous de 50mm, il est super bien contextualisé, on comprend bien où je suis, on arrive à voir la poubelle qui est à côté, on arrive à voir le bâtiment, on arrive même à voir qu’il y a un escalier sur la gauche.
Tout ça parce que le grand angle va nous permettre de venir capturer plus de décors.
À contrario, si je shoot en longue focale, là, je vais venir écraser mes perspectives. C’est un peu comme si le fond venait se rapprocher de mon sujet, comme si ça grandissait et qu’il venait se rapprocher.
Et l’effet direct, c’est qu’on va venir détacher notre sujet du fond. Forcément, vu qu’il y a moins de choses en fond, on a l’impression qu’on a un mur en face, et du coup, notre sujet va être super bien détaché par rapport à ça.
Pour moi, le point principal du choix de la focale, ça va être justement cette déformation des perspectives, ou alors de la déformation du sujet, qui va vous permettre soit de contextualiser un sujet dans un décor, soit au contraire de venir détacher un sujet, de venir vraiment l’isoler de la scène, pour qu’on ne le voit que lui.
Maintenant qu’on sait quelle est l’incidence de la focale sur notre image, on va pouvoir parler de ces quatre conséquences qui en découlent :
- On va pouvoir cacher ou montrer des choses.
- On va pouvoir contextualiser ou au contraire isoler un sujet.
- On va pouvoir véhiculer le ressenti de notre sujet par rapport à son environnement.
- On va ajouter de la proximité, ou au contraire de l’éloignement, entre le spectateur et le sujet.
Utiliser une focale pour cacher ou montrer des choses
Je sais pas si vous avez remarqué, mais les blockbusters pas très finaux ont tendance à utiliser à outrance les grands angles ; alors que les films indépendants vont plutôt être filmés à la longue focale.
Parce que qui dit grand angle dit courte focale, donc dit on voit beaucoup de choses à l’écran. Et qui dit on voit beaucoup de choses à l’écran, dit bah il va falloir accessoiriser tout cet espace qu’on voit.
C’est à dire que si jamais vous voulez tourner sur une place, et que vous shootez au grand angle ; ben il vous faudra privatiser absolument toute la place, avoir des figurants sur toute la place, et éclairer toute cette place là.
À contrario, si jamais sur cette place vous tournez au 200mm ou au 400mm, bah vous verrez que 5m² de la place. Donc vous n’avez pas besoin de tout privatiser, vous n’avez pas besoin de tout éclairer, et vous aurez besoin de 4 pauvres figurants pour faire croire qu’il y a une foule.
Donc l’écrasement des perspectives sert aussi à ça, elle sert aussi à masquer des choses qu’on ne veut pas montrer, alors que le grand angle lui, il est utilisé dans les blockbusters pour se la péter. C’est à dire que les moneyshots sont souvent tournés en grand angle, juste pour dire :
Hé regardez on a mis la sauce, il y en a partout.
Une contrainte qui est directement liée à l’utilisation de la focale, c’est l’argent.
Avec une courte focale, il vous faudra des moyens ; alors qu’avec une longue focale, bah il y a toujours moyen de s’arranger.
Et c’est pas pour rien que tous les films indépendants sont tournés à la longue focale : c’est parce qu’ils n’ont juste pas les moyens de se privatiser des lieux énormes pendant longtemps.
Contextualiser un sujet grâce à la focale
Donc ok, la focale va nous permettre de cacher ou non des éléments de notre scène. Mais plus important, elle va aussi nous permettre de contextualiser ou pas notre sujet dans son environnement.
Et le premier film qui me vient à l’esprit quand on parle de contextualisation, c’est Blade Runner 2049 qui est une succession de plans d’introduction.
Tous ces plans, filmés au grand angle, vont nous permettre de contextualiser l’action en montrant une scène dans sa globalité :
Un autre film qui gère à merveille la courte focale, c’est Mad Max Fury Road. Pratiquement tout le film a été tourné à la courte focale, et ce pour contrebalancer un rythme effréné :
George Miller a décidé d’utiliser des grandes focales pour aider le spectateur à mieux comprendre les scènes. Chaque plan pose un personnage, un décor et une action.
À contrario, on a la longue focale qui va venir écraser les perspectives. Grace à cet écrasement des perspectives, on va pouvoir cacher des choses à l’image.
On va avoir beaucoup plus de hors champs, on va être beaucoup plus mystérieux, ou alors un peu plus intime.
La conséquence directe de ça, c’est que notre personnage ne sera pas vraiment partie prenante du décor. Il va être un petit peu détaché par rapport au décor. Un excellent exemple de l’utilisation de la longue focale, c’est le film Dune :
Dune, c’est une saga qui se déroule à l’échelle de l’univers. Et pour faire comprendre ça, qu’est-ce qu’on a ? On a de la longue focale qui est utilisée pour faire comprendre que les vaisseaux sont immenses, et que les gens sont minuscules à côté d’eux.
C’est pour ça que dans Dune, vous allez avoir une utilisation intensive de la longue focale pour à chaque fois remettre à leur place les protagonistes.
Un autre film qui montre super bien la massivité des choses, grâce à la longue focale, c’est Star Wars Rogue One. Alors oui, les Star Wars Walt Disney, on est tous d’accord pour dire que c’est de la bonne grosse merde en boîte.
Mais il y a un film qui sort du lot, et c’est Rogue One.
Rogue One, c’est le premier film à faire comprendre à quel point l’étoile de la mort est massive, à quel point elle est imposante, et à quel point elle est dangereuse.
Je sais pas pour vous, mais moi quand j’ai regardé les premiers Star Wars, on m’a amené l’étoile de la mort comme un truc qui peut faire super mal, comme un truc ultime.
Mais tout ce dont je me souviens, c’est juste un petit rond dans l’écran qui se fait défoncer la gueule deux fois. J’avoue ne jamais avoir eu peur de l’étoile de la mort avant d’avoir vu Rogue One.
Et comment Rogue One arrive à nous montrer à quel point l’étoile de la mort est massive ? En la filmant la longue focale, tout simplement.
Véhiculer le ressenti de notre sujet par rapport à son environnement
Le troisième point induit par l’utilisation d’une focale, c’est le ressenti de notre sujet par rapport à son environnement. Et pour moi, la Masterclass dans le domaine, c’est le film La Haine.
Pour la faire courte, on suit des jeunes de banlieue qui passent la première partie du film en banlieue et la seconde partie du film dans Paris intramuros. Le réalisateur a fait quelque chose de très intelligents : il a tourné toute la première partie du film en grand angle :
Alors pourquoi ? Tout simplement parce que ces jeunes, ils sont chez eux. Donc ils sont pas du tout oppressés ou ils ne se sentent pas du tout opprimés. Ils sont là, ils sont tranquilles, et du coup ils voient absolument tout. Ils ont comme une sorte de regard omniscient sur leur décor.
Et c’est pour ça que tout est tourné à la courte focale, tout simplement pour amener ce regard omniscient sur l’image.
Ensuite, au milieu du film, on a un switch qui s’opère, et ce qui va se passer c’est que tout le reste du film va être tourné majoritairement avec de la longue focale. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce qu’on veut montrer, c’est que ces jeunes là, ils ne sont pas du tout dans leur monde. Ils perdent leurs repères dans Paris et ils perdent surtout leur point de vue omniscient sur le décor qu’ils les entourent.
Et c’est pour ça qu’on va utiliser plus de la longue focale, tout simplement pour montrer que ils ne sont pas à l’aise en fait, et nous non plus, parce qu’on est uniquement axés sur eux, et non parce qu’ils les entourent.
Donc la haine pour moi c’est vraiment une masterpiece en matière d’utilisation de la focale en fonction de l’émotion qu’on veut faire passer.
Ajouter de la proximité ou de l’éloignement entre le spectateur et le sujet
Enfin, le dernier point à propos de la focale, ça va être la distance entre le sujet et le spectateur.
Une courte focale implique d’être proche de son sujet, alors qu’une longue focale implique d’être éloigné du sujet.
Si je reprends mes exemples du début, vous pouvez voir que sur ce portrait-là, j’étais vraiment très proche, puisque quand j’ai shooté à 9mm :
J’étais littéralement à quelques centimètres du visage de mon modèle, ce qui est très gênant d’ailleurs. Ne le faites pas, essayez de ne pas être aussi proche de vos modèles que ça.
À contrario à 600mm, je me retrouvais à quelques dizaines de mètres du modèle :
Cet éloignement par rapport au sujet, notre cerveau il le comprend. Donc quand vous allez shooter quelque chose à la courte focale, notre cerveau va comprendre que nous, physiquement, on est proche de l’action ; alors que quand vous shootez à la longue focale, notre cerveau va comprendre qu’on est éloigné de l’action et qu’on a un point de vue un peu plus externe à la situation qui se passe devant nous.
Bon, je vais revenir sur Dune, parce que dans Dune, il n’y a pas que de la longue focale. On a aussi quelques plans tournés à la courte focale, et notamment lorsque Atreide part en couille complet et qu’il a toutes ses visions :
Les plans sont tournés au 35mm et on est proche de lui.
Pourquoi ?
Parce qu’on veut faire comprendre que c’est lui le sujet principal, on n’a pas forcément besoin de le contextualiser, mais surtout on veut vraiment bien filmer ses émotions et on veut que physiquement, le spectateur soit proche du sujet.
Un autre très bon exemple de ça, c’est Alien 4.
Alors Alien 4, il a été décrit par beaucoup de monde, mais il y a une chose qu’on ne peut pas lui enlever, c’est qu’il est putain de bien réalisé.
Alien 4, il n’a été shooté pratiquement qu’au grand angle pour ajouter de l’oppression :
Tout au long du film, la caméra est littéralement un 20cm des visages des protagonistes. À la fin, il y a une sorte de prise d’otage, il y a un méchant qui veut tuer une gentille, et il y a deux gentils qui ne savent pas quoi faire, et en même temps, il y a un gars qui a un Alien dans lui et qui est en train de sortir.
Donc ça fait beaucoup de choses, et surtout ça fait beaucoup d’émotions.
Et ben pour montrer le côté effréné, pour montrer toutes les émotions qui passent par ces personnages-là, et surtout pour montrer l’oppression qu’il y a dans cette scène, on a de la courte focale proche des visages :
Cette scène, quand je l’ai vu pour la première fois, mais je me suis tout pris tout dans la gueule. C’était d’une violence inouïe, juste parce que la focale choisie était super intéressante.
Un autre exemple issu de Alien 4, c’est la scène basket. Dans cette scène, vous avez Ripley qui commence à se bastonner gentiment avec les protagonistes. Toute la scène est filmée au grand angle, et on a un montage un peu effréné.
Et ensuite, dès que la pression retombe, on détache Ripley du fond, et on passe à la longue focale, et on passe à des champs contre champs normaux, à la longue focale.
Tout ça pour montrer qu’au début, on était dans l’action, donc grand angle, donc proche de mon sujet, alors qu’à la fin, on baisse en pression, on se détache de l’action, donc on passe à la longue focale.
Et tout ça, même si c’est pas dit, notre cerveau le comprend en fonction de la focale utilisée.
Derniers exemples : Blade Runner 2049, avec la scène finale, celle où le protagoniste principal meurt :
Cette mort, elle est complètement impersonnelle. On se rend compte qu’à la fin, le personnage principal n’a rien d’exceptionnel. Il n’est pas l’enfant qu’on cherchait dans tout le film, il n’est qu’un simple répliquant dont on peut disposer. Et du coup cette mort, elle est impersonnelle et futile.
Et pour montrer ça, on va shooter cette mort à la longue focale, tout simplement pour montrer le détachement du spectateur par rapport au personnage principal. Donc là encore, le choix de la focale en dit long sur la narration.
Donc ce qu’il faut retenir, c’est qu’une distance focale, elle implique aussi une distance entre le spectateur et le sujet.
À la longue focale, vous allez avoir un petit effet de voyeurisme, un peu comme si vous regardiez quelque chose à travers des jumelles. Et pour revenir à la photo, c’est exactement la même chose. Je vous montre des exemples de travailleurs que j’ai pu prendre en photo il y a 2 mois à peu près.
Certaines photos ont été prises à la longue focale pour amener un détachement par rapport à l’action, alors que des fois, je venais les shooter carrément à 35mm ou même 24mm d’assez près, pour impliquer une proximité et un petit côté America Fuck Yeah à mes photos.
Alors évidemment, ce que je vous dis, c’est valable pour :
- de la photo créative,
- de la photo pub,
- ou ce genre de choses.
C’est sûr qu’en reportage, ça peut être un peu différent. En reportage, on subit l’environnement dans lequel on est.
C’est sûr que quand on construit une image au studio, c’est pas pareil que quand on est sur le champ de bataille. Je comprends très bien qu’une personne qui se trouve au milieu de la guerre, eh bien, elle se dise pas :
Ah non, mais attends, vas-y, c’est quoi, je vais aller prendre une courte focale pour aller filmer l’émotion de ce soldat là qui est en train de se faire tirer dessus.
Dans le cas du reportage, il n’y a pas de débat.
Mais en tout cas, quand vous construisez une photo, c’est important de vous dire que vous êtes maître de votre environnement et que la focale, c’est pas à vous de la subir. C’est avant tout un choix créatif.
Donc pour résumer, il y a deux choses à prendre en compte :
- Est-ce que vous voulez contextualiser ou pas votre sujet ?
- Est-ce que vous voulez être proche ou pas de votre sujet ?
Et une fois que vous avez répondu à cette question, on va pouvoir se poser la question du second paramètre, à savoir l’ouverture.
Gestion de l’ouverture
L’ouverture, c’est avant tout un réglage créatif et non pas un réglage technique.
Il y a plein de gens qui vont vous dire que l’ouverture sert à faire rentrer plus ou moins de lumière dans votre boîtier et du coup de compenser des zones plus ou moins éclairées.
Mais là encore, c’est une manière un peu réductrice de voir l’ouverture. Avant de vous expliquer en quoi c’est un paramètre créatif, je vais vous expliquer rapidement comment ça marche.
Comment fonctionne l’ouverture en photo ?
L’ouverture, c’est un diaphragme qui se trouve au niveau de votre objectif qui va plus ou moins s’ouvrir pour faire passer plus ou moins de lumière :
On va venir parler de grande ouverture quand le diaphragme est bien ouvert et de petite ouverture quand il est fermé et qu’il a se passer très peu de lumière.
Et comme en photo, on adore se compliquer la vie, une grande ouverture va être exprimée par une valeur petite et une petite ouverture va être exprimée par une valeur grande.
Cette valeur, c’est les f-stop.
À f/0,95, f/1,2 ou f/1,4 ; Votre diaphragme, il est énorme, on a une grande ouverture. Alors que sur une petite ouverture, on sera sur du f/10, f/11, f/22, f/f30… Et là, vraiment, on aura un tout petit trou.
Donc pour la faire simple, il faut vous dire que quand vous avez un chiffre tout petit, vous avez beaucoup de lumière. Quand vous avez un chiffre très grand, vous avez très peu de lumière.
Cette valeur, elle se retrouve sur les objectifs. Elle est induite par l’objectif.
Comme quoi l’objectif, c’est vraiment le truc le plus important en photo.
Donc ok, on a vu que un diaphragme permettait de faire rentrer plus ou moins de lumière. Ce n’est pas du tout ce qui est important. Ce qui est important, c’est de vous dire que l’ouverture va avoir une incidence sur la profondeur de champ.
La profondeur de champ
La profondeur de champ, c’est la zone de netteté de votre image.
Plus votre ouverture est grande, plus votre zone de mise au point sera petite.
Tout est inversé en photo, c’est super relou. Il faut vous dire que plus vous avez de lumière qui rentre, plus ce qui sera net sera petit. Et à contrario, plus votre ouverture sera petite, donc moins il y a de lumière qui passe, plus votre zone de netteté sera grande.
Par exemple, si jamais je fais un portrait sur un modèle avec un F1.2, et que je fais la mise au point sur l’iris de l’œil, l’œil sera bien net, les cils vont commencer à être flous, le bout du nez sera flou et tout le reste partira dans les flous.
Si par contre, je fais exactement la même photo, mais à F11, eh bien là, tout le visage sera net.
Idem si je prend mon sujet dans un décors :
L’intérêt de l’ouverture, ça va être de détacher ou pas notre sujet du fond et là encore de contextualiser ou pas notre sujet dans notre image.
Plus l’ouverture est grande et plus on va cacher des éléments et à contrario, plus elle est élevée et plus on va révéler des choses au spectateur.
Un film qui utilise très bien la profondeur de chant, c’est À tombeau ouvert. Si vous ne l’avez pas vu, foncez. Il est incroyable. Nicolas Cage, c’est l’un des meilleurs acteurs qui existe au monde (de mon point de vue en tout cas). Et dans À tombeau ouvert il offre une prestation de malade.
Dans À tombeau ouvert, on a des plans où on a besoin de contextualiser notre personnage. Donc qu’est-ce qu’on va avoir ? On va avoir des plans où absolument tout est net. Si vous prenez celui-là, par exemple, on comprend très bien que on est dans un appartement, on comprend très bien qui sont les protagonistes et absolument tout est net.
Notre œil peut venir se balader un peu où il veut dans l’image. Pareil pour celle-là, où on a à la fois nos deux protagonistes, mais aussi l’entrée de l’hôpital qui est parfaitement nette :
Ce qui fait que là encore, on n’a pas trop de zones d’onirisme. Ce sont des plans qui sont, sommes toutes, assez explicatifs. Par contre, si je prends les plans où Nicolas Cage est en grande détresse, là, à contrario, on va avoir une profondeur de champ très très courte :
Vous pouvez voir que l’œil est net et tout le reste part dans les flou. Et je ne vous raconte même pas du décor. Là, le décor, on ne peut même pas savoir ce que c’est. Pareil pour ce plan qui vient de nous montrer uniquement un petit détail.
Il n’y a que ça qui importe et le reste disparaît dans un flou artistique. Et alors celui-là, le plan qui est issu pour moi la plus belle scène du film, c’est le moment où Nicolas Cage pète un câble complet.
C’est un moment où on a vraiment besoin d’être en introspection avec lui. On a une très grande ouverture pour avoir uniquement le focus qui est fait sur ses yeux, en tout cas, sur son visage, et non pas sur le décor.
Autre exemple qui utilise très bien l’ouverture, c’est Dune.
Vous allez avoir des plans de contextualisation ou absolument tout est net pour qu’on puisse un petit peu se situer tout simplement.
Et à contrario, des plans où on va être vraiment focus sur un personnage et où là on va avoir une grande ouverture pour que tout le reste pardonne les flous, notamment ce plan d’Atreïd où on est vraiment focus sur son œil
ou alors ces plans de soldats où les autres partent complètement dans un flou aussi.
Ou alors encore même sur ce dernier plan où c’est le soldat à gauche qui est important et du coup les autres partent dans le flou.
Je vais revenir à Mad Max parce que ce film utilise énormément la petite ouverture, c’est-à-dire dans Mad Max vous allez avoir une profondeur d’échant très grande.
Mad Max, c’est un film où on a toujours besoin de contextualiser les choses parce qu’il se passe énormément de trucs à l’écran. Si vous regardez ces plans, vous voyez qu’absolument tout est nette.
Ici on a Max, la voiture, le paysage, qui sont net.
Et alors sur ce plan c’est encore plus flag, puisque on a le premier plan qui est ultra nette mais aussi l’arrière-plan pour qu’on puisse comprendre ce qui se passe et en quoi l’action influe sur le ressenti de notre personnage.
Avec Mad Max, vous allez avoir une grande contextualisation de votre scène par l’utilisation de l’ouverture.
Cette technique de grande ouverture pour mettre en avant juste un petit objet, c’est vachement utilisé. Si vous prenez ce plan de The Rock
ou encore ce plan de The Batman,
c’est ce même procédé qui est utilisé pour mettre en avant uniquement un élément de notre image.
Et le Joker, il utilise très bien ça. D’ailleurs ce film est pour moi une masterclass en matière d’utilisation de la profondeur de champ puisque on a à la fois de la grande ouverture comme de la courte ouverture.
Sur ces plans, vous pouvez voir que absolument tout est net parce qu’on a besoin de contextualiser notre ambiance. Et ensuite, dès qu’on commence à aborder le point de vue d’une personne, on passe à une grande ouverture et il n’y a que lui qui est net dans notre image.
Pareil pour tous ces plans, où c’est notre personnage principal qui est le plus important. Et donc là, on va avoir une très grande ouverture, donc une très courte profondeur de champ.
Et je terminerai avec ces deux exemples de plans où on a une unité de lieu et une unité de personnage mais qui sont quand même filmés avec deux ouvertures différentes. Dans le premier, on a un personnage dans son décor et c’est relativement joyeux, relativement, parce qu’on reste sur le film Joker. Et sur l’autre, on a clairement une scène de détresse et là, on est uniquement focus sur notre personnage principal.
En photo, l’ouverture, elle va vous être utile aussi. Cette ouverture va vous permettre de cacher des choses qui sont moches si jamais il y en a.
C’est quelque chose que je fais beaucoup quand je dois shooter dans des laboratoires ou dans des endroits qui ne sont pas forcément ultra-clean, qu’on n’a pas pu vraiment agencer comment le vouloir.
Ce procédé me permet de venir masquer des choses. Il me permet aussi de mettre le focus sur un point. Là par exemple, vous voyez des manipulations qui sont faites et il fallait mettre l’accent sur ces manipulations.
J’utilise donc une grande ouverture pour pouvoir venir masquer ce qui ne plaît pas ou alors même pour faire des portraits ultra-expressifs où on est vraiment focus sur le regard du modèle.
Bon, maintenant qu’on sait à quelle ouverture on va shooter, on peut passer au troisième paramètre : la vitesse d’ouverture.
La vitesse d’ouverture
La vitesse d’ouverture, qu’est-ce que c’est ? Eh ben c’est une période d’exposition de votre capteur à la lumière
Votre capteur, il est protégé physiquement de la lumière par un shutter. Et quand vous appuyez sur le déclencheur, ce shutter, il vient s’ouvrir pour laisser passer la lumière.
Et vous, en tant que photographe ou vidéaste, vous avez la main sur la vitesse d’ouverture de ce shutter que l’on appelle le shutter speed.
Cette vitesse peut être très rapide, de 1/4000 seconde à 1/32000 seconde pour les boîtiers haut de gamme ; mais elle peut être aussi très lente, comme une demi-seconde ou même plusieurs secondes.
Je vais ici dissocier la photo et la vidéo parce que ces deux pratiques sont radicalement différentes dans la gestion de la vitesse.
Gestion de la vitesse d’ouverture en photo
En photo, la vitesse est un paramètre semi-créatif.
La vitesse peut être vue pour compenser l’ouverture et faire rentrer plus ou moins de lumière dans votre objectif, sachant qu’à grande ouverture, on va avoir une vitesse plus élevée et à contrario, à faible ouverture, on va avoir une vitesse plus lente.
Tout ça pour contrebalancer le fait que l’ouverture amène plus ou moins de lumière dans notre objectif.
Attention quand même, il faut savoir qu’une faible vitesse d’ouverture peut amener à du flou de bouger. Si vous prenez un appareil photo et que vous tremblez, si jamais votre vitesse est trop lente, vous allez voir ces tremblements à l’image et c’est ce qu’on appelle du flou de bouger.
Pour éviter le flou de bouger, on a la règle des fois deux. Cette règle consiste à prendre votre focale et à la multiplier par deux. Donc si vous êtes à :
- 50 mm, votre shutter speed ne doit pas descendre sous les 1/100s.
- À 200 mm, on sera à 1/400s.
- Et à 600 mm à 1/1200s
Avec cette règle, vous vous rendez compte que plus votre focale est longue et plus il vous faudra de vitesse pour éviter le flou de bouger.
Donc ça, c’est la théorie. La théorie, c’est de dire que la vitesse n’est là que pour contrebalancer une exposition.
Mais la vitesse peut aussi servir à ajouter du flou de bouger volontaire.
Dans certains cas, il peut être intéressant de rajouter du flou de bouger pour amener une notion de mouvement.
Prenez cette photo de cascade par exemple.
À gauche, vous avez une photo de cascade qui est prise avec une vitesse élevée et vous voyez que tout le mouvement est figé. Par contre, à droite, on est sur une photo dite en pose longue et tout le mouvement va être pris en photo.
On va avoir quelque chose de beaucoup plus doux et on va comprendre le mouvement de l’eau.
Sur la première photo, on va avoir l’impression que le temps s’est arrêté, qu’on l’a mis sur pause. Alors qu’à droite, on a conscience que le temps s’écoule.
Cette technique de pose longue, c’est aussi une technique qu’on utilise beaucoup en sport. Par exemple, quand je vais aller shooter des motos, bien souvent, j’utilise la technique dite du filet.
Cette technique, elle consiste à prendre une photo avec une vitesse d’ouverture lente et de suivre le sujet, tout simplement pour que le sujet soit net, mais que toutes les zones en mouvement deviennent floues.
C’est pour ça que vous voyez le fond en filet, donc c’est un flou de bouger, mais vous pouvez aussi le voir sur les roues des motos.
Vous voyez que les roues des motos ne sont pas parfaitement nettes, qu’il y a un léger flou de bouger et c’est ça qui va donner du mouvement à ma photo.
À contrario, je vous montre cette autre photo qui, elle, a été prise avec une vitesse d’ouverture élevée et là, vous voyez que tout est figé et même si techniquement la photo est réussie, moi, je la trouve claquée au sol parce qu’il n’y a aucune émotion qui s’en dégage.
Cette technique de longue exposition, elle peut être utilisée aussi dans d’autres domaines comme le portrait. Sur ces exemples, j’ai utilisé la technique du light painting pour avoir ces traînés de couleurs sur la modèle.
Le principe est simple, je fiche mon image avec un premier flash et ensuite je viens bouger mon boîtier avec une vitesse assez lente pour avoir du flou induit par une lumière continue.
Alors, c’est vrai que dans 99% des cas, votre vitesse d’ouverture, elle va être un paramètre technique qui va servir uniquement à contrebalancer une ouverture que ce soit en positif ou en négatif.
Mais dans certains cas, cette vitesse d’ouverture peut être utile pour amener là encore un effet créatif et c’est pour ça que moi, je prends ce paramètre comme étant un paramètre semi-créatif.
Donc si vous n’avez pas de volonté créative autour du flou, la vitesse reste un paramètre technique qui compense l’ouverture. Et si vous vous retrouvez avec des vitesses beaucoup trop lentes ou beaucoup trop élevées et que quoi vous fassiez, vous vous retrouvez bloqué, on va plutôt partir sur le dernier paramètre qui est l’ISO. Mais avant ça, il faut que je vous parle de la vitesse en vidéo.
Gestion de la vitesse d’ouverture en vidéo
En vidéo, la gestion de la vitesse est censé être plus simple. C’est même pas censé être un paramètre qu’on touche puisque normalement, on a la encore la règle des fois deux qui dit qu’on prend son nombre de frames par seconde et on le multiplie par deux pour avoir la vitesse.
Vitesse = FPS x 2
C’est-à-dire que :
- si vous shootez à 25 images secondes, votre shutter speed doit être de 1/50s,
- si vous shootez à 100 images secondes, il doit être à 1/200s,
- et si vous shootez à 50 images secondes, il doit être à 1/100s.
Pourquoi cette règle ? Tout simplement parce que ce shutter speed permet d’avoir un léger flou de bouger, mais pas trop non plus, qui fait que votre image sera plus douce.
En gros, c’est ça qu’on appelle l’effet cinéma.
L’effet cinéma, il est à mettre en opposition avec les images qui étaient produites par les caméscopes des années 90 et 2000 qui étaient dégueulasses et qui shootaient à des vitesses méga-élevées pour contrebalancer le fait qu’il y ait beaucoup de lumière.
Et du coup, ça donnait des images très nettes, très sharp et vraiment dégueulasses alors qu’au cinéma, on va faire attention d’avoir un flou de bouger dans notre image, tout simplement pour que ce soit un peu plus crémeux à l’écran.
D’ailleurs, si vous faites pause sur des scènes d’action de films que vous regardez, bien souvent, vous verrez que l’image elle est floue. Tout simplement parce que le shutter speed est assez lent et du coup forcément, on aura du flou de bouger.
Donc normalement en vidéo, on ne se prend pas la tête avec la vitesse puisque on respecte la règle des deux.
Sauf que, ça serait trop simple… La vitesse peut elle aussi être un paramètre créatif.
Si jamais je prends un shutter speed plus rapide, ça va me permettre d’avoir des images plus nettes et du coup, ça va devenir un petit peu plus gênant à la rétine.
Un bon exemple de ça, c’est le film Il faut sauver le soldat Ryan. Toutes les scènes respectent la règle du fois 2, sauf certaines scènes dont la scène du débarquement. Dans cette scène, Spielberg voulait déranger le spectateur et montrer à quel point ce pan d’histoire est dégueulasse et c’est pourquoi il a monté son shutter speed pour que toute la scène soit le plus nette possible et que nos yeux en aient conscience.
Et c’est pour ça que cette scène, quand vous la regardez au cinéma, normalement, elle est censée un peu vous prendre aux tripes.
À contrario, si vous voulez avoir des scènes beaucoup plus oniriques et donner un peu plus de place au mouvement, vous pouvez choisir de baisser votre shutter speed. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait pour certaines scènes de mon dernier court-métrage ou pour montrer la folie du personnage principal, j’ai décidé de baisser mon shutter speed à 1/25s.
Ça me permet d’avoir un flou de bouger qui amène un côté onirique à mon image.
Donc si en vidéo vous n’avez pas de volonté créative autour du flou de mouvement, la vitesse reste un paramètre technique qui doit respecter la règle des fois deux. Et comme pour la photo, si vous vous retrouvez avec une image trop sombre ou trop claire, il va falloir jouer avec les ISO.
Gestion des ISO
Les ISO sont un paramètre purement technique.
Il y a très peu de créativité liée à l’ISO même si je suis sûr que dans 20 ans ce ne sera plus le cas.
Dans 20 ans ce sera paramètre complètement créatif mais en tout cas pour le moment c’est purement technique.
Les ISO qu’est-ce que c’est ? C’est la valeur de sensibilité de votre capteur.
Le capteur est une cellule photosensible qui va permettre de transformer la lumière en bit et donc en éléments numériques. C’est exactement la même chose que les pellicules.
Du temps de l’argentique on utilisait des pellicules qui étaient en fait du papier photosensible qui réagissaient à la lumière. En fonction de la quantité de lumière perçue, elle brûlait plus ou moins et c’est ça qui nous permettait de récupérer une image sur du papier.
Avec un capteur c’est exactement pareil. On a un capteur qui est photosensible et qui va venir récupérer des données lumineuses pour les transformer en bit.
Pour les pellicules, on avait différentes valeurs de sensibilité. On pouvait acheter des pellicules à différents niveaux de ASA qu’on allait utiliser soit en intérieur soit en extérieur en fonction de la luminosité.
Un capteur c’est exactement la même chose. Vous allez pouvoir régler la sensibilité de votre capteur en fonction de la luminosité ambiante.
Donc si vous prenez une sensibilité assez faible comme 64, 100 ou 200, votre capteur il sera assez peu sensible. Ça veut dire que vous pourrez balancer pas mal de lumière votre image ne va pas cramer.
À contrario, si vous êtes dans des sensibilités élevées comme 1000, 2000, 4000, voir plus ; votre capteur sera très sensible à la lumière et si jamais vous êtes en plein caniard votre image sera complètement blanche.
Alors attention quand même, il y a un revers à la médaille : plus vous allez monter en ISO plus vous aurez du bruit sur votre image. Et ce bruit il n’est pas forcément sexy, c’est quelque chose qu’on va essayer d’éviter.
Alors bon, il n’est pas sexy pour le moment mais je suis sûr que dans 20 ans il sera considéré comme étant ultra beau et tout le monde voudra du bruit numérique sur son image.
De même que le grain argentique était considéré comme immonde au moment où l’argentique existait. Maintenant c’est un truc trop cool.
Je suis sûr que quand on sera passé à une nouvelle techno avec des images encore plus clean, le bruit numérique sera LE truc trendy du moment.
Mais bon, pour le moment on trouve ça moche donc on essaie de le minimiser.
Donc c’est pour ça qu’on va faire attention à pas trop venir taper dans les ISO (taper dans les ISO ça veut dire pas trop les monter).
En photo, en vrai on s’en fout un peu. Les ISO c’est plus vraiment un débat, ça devient très simple de supprimer le bruit numérique avec des logiciels récents comme Capture One ou Lightroom.
Personnellement je sais que avec mon Z9 ou Z8 je peux shooter à 4000 ISO sans aucun problème. En vidéo par contre c’est plus difficile et enlever du bruit ça peut demander beaucoup de ressources à votre ordinateur.
Donc on va essayer de faire plus attention avec les ISO.
Petite parenthèse, chaque boîtier a des ISO natifs. Par exemple sur Z8, mes ISO natifs en vidéo sont 800 et 4000 ce qui fait que j’aurais autant de bruit à 800 que à 4000.
Donc il vaut mieux que je shoot à 4000 ISO plutôt qu’à 3600 par exemple.
Ce qu’il faut retenir c’est que les ISO, c’est le paramètre technique par excellence. Lui pour le coup il n’est pas du tout créatif et il va vous servir uniquement à contrebalancer un manque ou un trop plein de lumière dans votre image. Sa seule fonction c’est de faire en sorte que votre image soit bien exposée.
Conclusion
Si je devais récapituler, on a 4 paramètres qui sont à disposition :
- la focale,
- l’ouverture,
- la vitesse,
- les ISO.
Dans ces paramètres on a les deux premiers qui sont créatifs, un troisième qui est semi-créatif, et le dernier qui est purement technique.
Les paramètres créatifs ne doivent en aucun cas être contraints par votre lieu de shooting.
C’est vous qui les choisissez et non pas les contraintes qui y a autour de vous.
Le paramètre semi-créatif va servir à contrebalancer les deux premiers sauf si vous avez une vraie volonté créative au niveau du flou de bouger et le dernier va être là pour contrebalancer les trois précédents.
En premier on va donc choisir la focale pour savoir comment on contextualise notre image.
Est-ce que je veux montrer un élément seul ou est-ce que je veux montrer une scène en entier ?
Est-ce que je veux contextualiser mon sujet ou est-ce qu’en contraire je veux l’isoler ?
C’est en répondant à ces questions que vous allez savoir si vous devez utiliser une courte ou une longue focale.
Le deuxième point est l’ouverture. Et là encore vous allez devoir vous demander comment vous allez contextualiser votre sujet.
Est-ce que vous allez vouloir montrer la totalité de la scène ou à contrario uniquement une petite partie ?
En fonction de ça vous allez savoir quelle sera votre profondeur de champ et donc quelle sera votre ouverture.
Ensuite arrive la vitesse. Si vous n’avez pas d’intention créative autour du flou de mouvement vous vous posez pas de questions et vous réglez votre vitesse en fonction de votre ouverture et en fonction de la lumière dont vous avez besoin.
Et si vous avez une volonté créative vous réglez votre vitesse en fonction du flou ou au contraire de la netté que vous voulez avoir.
Et enfin si après avoir réglé ces trois paramètres vous êtes en rad de lumière ou au contraire que vous en avez beaucoup trop eh bien vous jouez avec les ISO pour mieux exposer votre image.
Voilà c’est pas plus difficile que ça. Tout ce que vous avez à faire c’est suivre cette checklist à la lettre et de cette manière vos images respecteront votre direction artistique.
Si je devais conclure cette vidéo ça serait là dessus : avant tout il faut bien réfléchir votre image et bien réfléchir à l’émotion qui doit être dégagée. C’est vraiment ça la base.
Tous les paramètres qu’on vient de voir ce sont des paramètres qui viennent uniquement servir la direction artistique de votre photo. Avant de penser technique, pensez direction artistique.
Qu’est-ce que je veux faire ressortir ?
Qu’est-ce que doit montrer mon image ?
Qu’est-ce qu’elle ne doit pas montrer ?
Qu’est-ce que doivent comprendre les spectateurs en regardant mon image ?
La seconde chose c’est que les réglages ne doivent pas être un frein créatif. Loin de là. À aucun moment vous ne devez subir vos réglages ; mais c’est plutôt vous qui allez les imposer à votre image.
Si jamais vous n’avez pas assez de lumière, rajoutez-en !
Si jamais vous avez une ouverture trop grande et que vous avez trop de lumière, mettez des filtres ND.
Trouvez des solutions techniques à vos réglages mais en aucun cas vos réglages ne doivent être techniques.
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